Je reste toujours perplexe quand je regarde le plan des transports publics. Les tracés colorés des lignes de métro, de tram et de bus dessinent une ville qui n’existe pas vraiment. Une ville qui se superpose à celle du géographe et du piéton. Les formes urbaines s’estompent. Les quartiers sont réduits à une suite de noms de stations où la toponymie locale côtoient les personnages historiques, les batailles, les défaites et les gloires. Les points cardinaux deviennent des terminus, les places des correspondances, les rues des arrêts au sud de nulle part. Le cadastre, le parcellaire et le réseau viaire sont gommés pour laisser tout l’espace à la réalité rapide. Les droites et les segments dominent. Les courbes qui font la singularité des centres anciens sont réduits à de simples virages connectant les lignes les unes aux autres. La morphologie urbaine façonnée par les siècles perd toute sa poésie. La géométrie stricte s’impose avec des rectangles, des carrés, des angles droits. Une nouvelle ville est née. Elle renvoie l’autre à un palimpseste oublié. Je n’ai jamais été capable de m’orienter en regardant le plan des transports publics. La schématisation extrême efface les reliefs et les rivières, l’architecture et les espaces verts, elle rend la ville désespérément plate. La disparition du terrain où j'aime tant marcher me fait voir une part inversée du monde qui n’est pas la mienne…
Photo : José Martín Ramirez Carasco – Unsplash
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