Une zone de saut dédiée au parachutisme ? Un jargon paramilitaire signalant un largage massif de troupes en un point précis ? Non, la « dropzone » bruxelloise désigne un dépôt d’engins à deux roues « partagés », en tête desquels les inénarrables trottinettes. Pour freiner les abandons sauvages. Pour désengorger les trottoirs et l’entrée des immeubles. Obligation de garer ces joujoux dans des espaces réservés à cet effet sous peine d’amende. En quelques semaines, on est passé de la laideur dispersée dans la ville, à la hideur agglomérée aux angles des rues, sur les places, sur les parvis. Une demi-mesure qui rend le concept « trottinette urbaine électrique » encore plus inepte. Les regroupements par dizaines, les amoncellements colorés, les démissions collectives témoignent – s’il le fallait encore – de la frénésie maladive qui s’est emparée d’une frange des décideurs politiques et des habitants. Ceux qui ont trouvé cette astuce gloussent en coulisse. Une curieuse manière de ménager la chèvre et le chou, les mièvres et les mous. Pendant ce temps, le pignouf lambda est satisfait que la lèpre soit concentrée en un seul endroit. Les « dropzones » offrent néanmoins des visions de décharges publiques qui débordent. Elles nous jettent à la figure l’incroyable gaspillage opéré au nom d’un progrès de mobilité très discutable. Ma « dropzone » à moi, c’est la ville infinie où je m’évade à pied où je veux, quand je veux, sans abonnement quelconque, sans attaches, sans obligation de m’arrêter entre deux lignes blanches, avec pour seule application, celle de marcher d’un pas vif et sûr dans le paysage…
Photo : Unsplash
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