Ils n’étaient pas vraiment rouges. Ils n’étaient pas vraiment humides. Les yeux de la présentatrice du JT de France 2 auraient pu être tout ça à la fois, en alternance, en totalité, en déluge. Mais un je-ne-sais-quoi tenait bon, résistait et faisait barrage à l’effusion. La tristesse et le désarroi étaient pourtant bel et bien là, mais contenus. Il y avait de la brillance, de l’éclat, de la profondeur, une compassion mâtinée d’incrédulité. Les images étaient dures, insoutenables. Surtout celles de ces petits enfants avec leur sac à dos et leur doudou, avec leur bonnet, leurs bottes, leur veste, leurs moufles pour lutter contre le froid,.... avec leur innocence assassinée. Des enfants vus simplement de dos, qui marchaient sur un quai où n’arrivait aucun train. D’autres qui s’engouffraient dans des souterrains privés de lumière. D’autres encore qu’on prenait enfin dans les bras une fois franchie la frontière. Et les yeux d’Anne-Sophie Lapix – touchée au point d’être elle-même « blessée » – gardaient cette pétillance digne qui empêche de voir rouge. Son beau sourire, malgré tout. Son maintien élégant, sa classe. Son professionnalisme infaillible. Un énième récit de jour de guerre, de ce conflit est-ouest, pauvres-riches, passéistes-ambitieux, ou qu’importe le degré de déboussolage géopolitique. Après ? La présentatrice, les yeux gorgés de toute cette boue, devrait embrayer avec les vociférations de la campagne présidentielle, les résultats du XV de France, le dernier restaurant étoilé, le programme TV et son choix de comédies ou de drames. Après il faudrait annoncer le bulletin météo – des larmes sur l’Europe ?
Photo : Unsplash
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