Nous voilà une fois de plus gavés d’images sordides, d’horreur, de peurs. Le tout consommé avec une espèce d’avidité malsaine. Encore. Voir et revoir. Du moche, du sang, des déplacements de malheureux. Mais à distance, par écran interposé. Verre à la main, le ventre plein, on pérore, presque sourire en coin, on murmure World War III et menaces nucléaires, on glose frontières et enfer. D'aucuns feraient bien de lire ou relire Nicolas Gogol, l’immense écrivain russe – né en Ukraine ! –, un homme trait d’union de plume et de mots. Dans Les Âmes mortes (1842), il raconte les aventures d’un petit escroc dans l’empire russe des années 1820, et surtout les agissements rampants de la médiocrité humaine. Une histoire qui se passe il y a deux cents ans. Une histoire qui semble se répéter. Un grand escroc cette fois, et toujours des bassesses. Les phrases de Gogol claquent. Les visées du « Géant » sont trompeuses, son aura à jamais ternie : « Et toi sainte Russie, dans quel tourbillon es-tu emportée ? Tu soulèves des tempêtes de poussière. Les ponts craquent et tout recule. Tu dépasses tout. Ne serais-tu pas la foudre qu’une force occulte jette dans les cieux ? Que signifie ce mouvement, objet d’épouvante ? Vers quelles régions voles-tu, sainte Russie ? Réponds ! Mais la Russie ne répond pas. Les clochettes tintent et font entendre des sons magnifiques... l’air déchiré, brisé, retentit de roulements de tonnerre. Tout ce qui se vit sur terre fuit et disparaît, et les autres peuples, et les autres empires s’écartent et te laissent la voie libre, sainte Russie ! » Autre époque, mais contexte approchant. La guerre – comme hier la pandémie – fait les choux gras de la presse et des brèves de comptoir. À quand la paix en une des canards ? À quand la sérénité à la surface de nos verres amers ?
Photo : Unsplash
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